Le Pr Régis Peffault de Latour a présenté les résultats d’un essai clinique de phase III au congrès annuel de l’American Society of Hematology

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Le Pr Régis Peffault de Latour a présenté les résultats d’un essai clinique de phase III au congrès annuel de l’American Society of Hematology

Le Pr Régis Peffault de Latour, hématologue, chef du service Hématologie Greffe et responsable du centre de référence aplasie médullaire à l’hôpital Saint-Louis, a présenté en séance plénière lors du 64e congrès annuel de l’American Society of Hematology, à la Nouvelle-Orléans, les résultats détaillés d’une étude internationale de phase III sur l’efficacité et la tolérance de l’iptacopan (Novartis), nouvel inhibiteur de la voie proximale du complément (anti-facteur B), dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN).

Selon lui, « plus de la moitié des patients atteints d’HPN présentent une anémie résiduelle malgré le traitement standard par anti-C5 et beaucoup restent dépendants des transfusions sanguines pendant le traitement ». Dans cette étude, l’iptacopan a permis d’augmenter significativement le taux d’hémoglobine (≥ 2 g/dL ou plus) et d’obtenir une indépendance transfusionnelle chez 97 % des patients traités, qui étaient auparavant anémiques et transfusés pour la grande majorité des patients avec le traitement standard. Ce traitement oral, très bien toléré, pourrait devenir le nouveau traitement standard de l’HPN.

 

L’essai plus en détail :

Contexte :

Les anticorps monoclonaux anti-C5 administrés par voie intraveineuse (IV) (eculizumab [ECU]/ravulizumab [RAV]) sont le traitement de référence (SoC) pour les patients atteints d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) de forme hémolytique. Cependant, jusqu’à 60 % des patients présentent une anémie résiduelle cliniquement significative avec SoC, secondaire à une hémolyse extravasculaire médiée par le C3. Iptacopan est un inhibiteur oral sélectif du facteur B du complément, qui a montré une innocuité et une efficacité prometteuses dans deux essais de phase II portant sur des patients HPN préalablement traités par anti-C5 et aussi naïfs de tout traitement.

Objectif :

Nous rapportons les données primaires d’efficacité et de sécurité de la période de traitement randomisée de 24 semaines de l’essai pivot, multicentrique, de phase III APPLY-PNH (NCT04558918 ; date limite des données : 26 septembre 2022).

Méthodes :

Des patients adultes atteints d’HPN avec une hémoglobine moyenne (Hb) < 10 g/dL sous traitement SoC stable (ECU/RAV) pendant ≥ 6 mois ont été randomisés 8:5 pour recevoir l’iptacopan en monothérapie 200 mg deux fois par jour ou pour continuer leur traitement SoC pendant 24 semaines. La randomisation a été stratifiée en fonction de la thérapie SoC antérieure et des transfusions de globules rouges (RBCT) au cours des 6 mois précédents.

Les deux principaux critères d’évaluation étaient :

  • la proportion de patients présentant une augmentation ≥ 2 g/dL de l’Hb par rapport au départ
  • la proportion de patients présentant une Hb ≥ 12 g/dL, chacun en l’absence de globules rouges.

Les critères d’évaluation secondaires étaient :

  • l’indépendance transfusionnelle
  • les changements par rapport au niveau de base de l’Hb
  • le score FACIT-F (Functional Assessment of Chronic Illness Therapy – Fatigue)
  • le nombre absolu de réticulocytes (ARC) et le taux de lactate déshydrogénase (LDH)
  • le nombre de crises hémolytiques sous traitement (BTH)
  • les événements vasculaires indésirables majeurs (MAVE) ainsi que la tolérance.

L’analyse statistique était basée sur une procédure de test prédéfinie ajustée pour la multiplicité afin de démontrer la supériorité.

Résultats :

Sur 97 patients, 62 et 35 ont été randomisés pour recevoir respectivement l’iptacopan et le SoC. Les caractéristiques de base de la maladie étaient équilibrées entre les 2 bras. L’âge moyen était de 51 ans et 69,1 % des patients étaient des femmes.

Les GRCT ont été reçus par 57,7 % des patients dans les 6 mois précédant la randomisation ; 64,9 % et 35,1 % avaient reçu respectivement un SoC par ECU et RAV avant randomisation pendant une durée moyenne de 4 ans. Les deux critères d’évaluation principaux ont été atteints avec l’iptacopan en monothérapie, montrant une supériorité par rapport au SoC : 1. 51/60 patients traités par iptacopan contre 0/35 patients traités par SoC avec des données évaluables/non manquantes ont présenté une augmentation de l’Hb ≥ 2 g/dL par rapport au J0 et 42/60 patients contre 0/35, respectivement, ont atteint une Hb ≥ 12 g /dL pendant la période d’étude (P<0,0001 pour les 2 objectifs primaires).

La monothérapie par iptacopan a également montré une supériorité en matière d’indépendance transfusionnelle, des scores FACIT-F et de l’ARC, et du taux de BTH clinique. La variation moyenne ajustée de l’Hb par rapport à l’inclusion (intervalle de confiance à 95 %) était de +3,59 (3,32 ; 3,86) g/dL pour l’iptacopan contre −0,04 (−0,42 ; 0,35) g/dL pour le SoC (différence : +3,63 [3,18 ; 4,08] g/dL); les taux moyens d’Hb (écart type) à 24 semaines, indépendamment des RBCT, étaient de 12,6 (1,4) contre 9,2 (1,4) g/dL, respectivement.

À 24 semaines, presque tous les patients (60/62) du bras iptacopan sont restés indépendants de RBCT contre 14/35 dans le bras SoC. Il n’y a eu aucun décès et aucune infection bactérienne grave encapsulée pendant la période d’étude. Un patient traité par iptacopan a eu un MAVE (accident ischémique transitoire ; considéré comme non lié à l’iptacopan ; le traitement par iptacopan est toujours en cours). Les céphalées (iptacopan : 16,1 % contre SoC : 2,9 %) et la diarrhée (14,5 % contre 5,7 %) ont été plus fréquemment signalées avec l’iptacopan, tandis que les infections/infections (38,7 % contre 48,6 %) et les événements BTH (3,2 % contre 17,1 %) ont été plus fréquemment rapportés avec SoC. Deux patients traités par SoC ont présenté des événements indésirables graves d’hémolyse, comparativement à aucun patient traité par iptacopan. Aucun patient n’a arrêté l’iptacopan ou le SoC en raison d’événements indésirables.

Conclusions :

Dans cet essai de phase III mené chez des patients atteints d’HPN présentant une anémie résiduelle sous traitement IV anti‑C5 SoC, l’iptacopan oral en monothérapie a permis à une majorité de patients d’obtenir des augmentations cliniquement significatives de l’Hb et une Hb ≥ 12 g/dL, via la résolution de l’hémolyse extravasculaire et maintien du contrôle de l’hémolyse intravasculaire. Ces avantages hématologiques étaient associés à une indépendance transfusionnelle chez presque tous les patients et à des améliorations cliniquement significatives de la fatigue rapportée par les patients. La monothérapie par Iptacopan a été bien tolérée avec un profil de sécurité favorable. L’iptacopan en monothérapie peut ainsi représenter un traitement ambulatoire par voie orale qui change la pratique pour les patients atteints d’HPN qui ont une réponse suboptimale au traitement IV anti-C5 SoC, devenant potentiellement une option de traitement privilégiée pour les patients atteints d’HPN hémolytique.