L’étude RIPORT portant sur l’impact du rivaroxaban 15 mg chez les patients atteints de thrombose de la veine porte non cirrhotique a été publiée dans la revue scientifique NEJM Evidence. L’étude portée par Aurélie PLESSIER (AP), coordinatrice du Centre de Référence des Maladies Vasculaires du Foie à l’hôpital Beaujon, AP-HP a montré que les patients traités par rivaroxaban n’avaient pas développé de nouvelle thrombose.
Nicolas MITHIEUX (NM), chargé de communication de la plateforme d’expertise maladies rares Paris Nord a rencontré pour vous le Dr Aurélie PLESSIER. Ils sont revenus sur les enjeux de l’étude, ses découvertes et ce qu’elle augure.
NM : Comment est née cette étude ? Que cherchait-on à trouver ?
AP : Des études rétrospectives avaient montré qu’on pouvait administrer un traitement anticoagulant chez les personnes atteintes de thrombose de la veine porte, c’était très nouveau, on ne connaissait pas cette pathologie. Mais devait-on donner ce traitement de façon permanente à tous les patients ou bien pouvait-on l’arrêter et pour qui ? On s’est rendus compte qu’il y avait des facteurs de risque de récidive élevés chez des individus pour lesquels on ne pouvait pas arrêter le traitement. Et un autre groupe de patients sans facteurs de risque, mais nous ne savions pas si on pouvait arrêter le traitement.
Avec l’Association des Malades des Vaisseaux du Foie (AMVF), nous avons travaillé à l’élaboration du protocole et avons obtenu le PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) en 2010. Nous avions 2 objectifs : évaluer le bénéfice du traitement anticoagulant chez les personnes à faible risque de récidive et évaluer les nouveaux « anticoagulants oraux directs » utilisés dans l’étude RIPORT.
NM : Qu’est-ce que la thrombose de la veine porte non cirrhotique ?
AP : C’est une obstruction du réseau veineux qui irrigue le foie. Ce réseau veineux est fait de la veine porte qui va se diviser en 2 branches. La veine porte est la réunion de la veine mésentérique (intestin) et de la veine splénique (rate). Quand on bouche ces vaisseaux, on va noter une augmentation de la pression dans les veines situées avant la thrombose comme quand un tuyau se bouche. Ceci peut entraîner des hémorragies. L’autre conséquence est l’absence d’irrigation au niveau des zones de thrombose qui peut causer un infarctus du tube digestif. Il faut parfois opérer le patient afin d’enlever une partie du tube digestif qui est nécrosé.
NM : Cette maladie peut-elle toucher tout le monde ?
AP : Elle touche moins de 3 000 personnes en France ou 0,7/100 000 habitants en Europe. C’est une maladie rare car elle associe plusieurs causes, plus ou moins communes, plus ou moins fortes. Elle touche autant les femmes que les hommes. Les enfants peuvent être concernés, en revanche ils n’étaient pas inclus dans l’étude, on ne peut donc pas apporter les mêmes conclusions les concernant.
NM : Une fois le patient traité, peut-il arrêter le traitement anticoagulant ?
AP : C’est toute la visée de l’étude. L’objectif qui est de ne pas refaire de thrombose est atteint grâce au traitement anticoagulant. La question est : peut-on arrêter ce traitement anticoagulant ? Et l’étude RIPORT y a répondu : quand on arrête le traitement, il y a un risque de thrombose chez 19% des patients par an. On estime pour l’instant que chez les patients qui ont une thrombose de la veine porte non cirrhotique, il vaut mieux poursuivre le traitement anticoagulant. Ceci doit toujours être réévalué par des experts de ces maladies en réunion multidisciplinaire.
NM : Maintenant que l’étude est aboutie, qu’est-ce que ces découvertes vont apporter ?
AP : Ce qui est très important c’est que nous savons qu’il faut donner un traitement au long cours dans ces situations, ce qui était une incertitude. Nous allons essayer de préciser et d’individualiser ce point car on a pu identifier des patients qui étaient plus à risque de faire une récidive. Chez ces patients on a relevé des niveaux de D-dimères (marqueurs biologiques d’activation de la coagulation) plus élevés un mois après avoir arrêté le traitement. Et si ces D-dimères sont élevés, le risque de thrombose l’est aussi. On peut identifier une catégorie de patients qui sont plus à risque, pour lesquels un traitement anticoagulant doit être administré, et un groupe de patients pour qui on pourrait proposer un arrêt du traitement dans des situations très sélectionnées. Ça soulève de nouvelles questions qui pourraient faire l’objet d’une prochaine étude.
Lire l’étude RIPORT (article en anglais)