Le centre de référence des aplasies médullaires acquises et constitutionnelles coordonné par le Pr Régis Peffault de Latour, chef du service d’hématologie greffe de moelle de l’hôpital Saint-Louis AP-HP et Professeur à Université Paris Cité a évalué, dans le cadre d’une étude collaborative internationale, les déterminants cliniques et moléculaires de l’évolution clonale des aplasies médullaires acquises en cancers du sang. Dans une deuxième étude, les chercheurs ont évalué l’utilité d’un nouvel outil de stratification de risque chez ces patients.
Les résultats de ces travaux internationaux ont été publiés en janvier 2023 dans le Journal of Clinical Oncology et Blood.
L’aplasie médullaire acquise (AM) et l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) sont des maladies non cancéreuses, rares, qui peuvent se présenter de façon concomitante chez un même patient. Ces maladies peuvent impacter la qualité de vie des patients à cause de la fatigue, de transfusions régulières et de risque infectieux. Un traitement par des médicaments immunosuppresseurs ou une greffe de cellules souches hématopoïétiques peuvent être indiqués selon la présentation de la maladie et sa sévérité.
Le pronostic de ces patients s’est beaucoup amélioré dans les dernières décennies grâce à d’importants progrès dans la prise en charge et de nouvelles modalités de traitement. Cependant, l’évolution vers des cancers du sang type syndromes myélodysplasiques ou leucémies aiguës myéloïdes (SMD/LAM) reste une complication grave, affectant plus de 10% des patients à dix ans du diagnostic. A l’heure actuelle, des prédicteurs spécifiques du risque d’évolution ne sont pas complètement connus et les stratégies de surveillance ne sont pas homogènes.
Les chercheurs ont étudié une cohorte de 1 008 patients AM/HPN établie à partir de trois centres de référence des aplasies médullaires internationaux : l’Hôpital Saint-Louis à Paris, l’Université de Sao Paulo au Brésil et la Cleveland Clinic aux Etats-Unis.
L’incidence cumulée à 10 ans de SMD/LAM chez les patients non greffés était de 11,6%, alors qu’aucun cas d’évolution n’a été décrit parmi les patients allogreffés. La réponse au traitement immunosuppresseur et l’âge au diagnostic de l’AM/HPN étaient associés à un risque d’évolution plus important. L’intervalle médian entre l’AM/HPN et le SMD/LAM était de 4,5 ans.
Au total, 94 patients ont transformé en SMD/LAM et la survie globale était négativement affectée par le taux de blastes médullaires au moment du diagnostic de la transformation. Les anomalies chromosomales et génétiques les plus fréquemment retrouvées sont associées à un phénotype à haut risque : des anomalies du chromosome 7 et des mutations type ASXL1, SETBP1, RUNX1, et de la voie RAS.
Les chercheurs ont conclu que le risque d’évolution est associé à la sévérité de la maladie, l’absence de réponse au traitement immunosuppresseur et l’âge du patient au diagnostic. Les formes de SMD/LAM secondaires à une AM/HPN ont souvent des caractéristiques morphologiques, cytogénétiques et moléculaires de haut risque. Les patientes atteints d’AM/HPN nécessitent un suivi spécialisé et régulier, incluant au moins la numération formule sanguine, myélogramme et caryotype médullaire.
Dans une deuxième étude, les chercheurs ont testé un nouveau score prédictif pour les SMD, le IPSS-M (Molecular International Prognostic Scoring System), sur 69 SMD secondaires à une AM/HPN de l’étude précédente. Comme ces patients ont souvent déjà des caractéristiques cytogénétiques à haut risque, telle que la monosomie du chromosome 7, les données moléculaires n’ont pas pu permettre de raffiner la prédiction du pronostic.